
Weekly Update - Un pavé dans la mare
Lors d’affaires précédentes, la BVG a donné raison aux institutions européennes. En 2016 par exemple, elle a rejeté un recours contre l’accord de libre-échange entre l’UE et le Canada. Et en 2014, elle a décidé que la légalité des achats d’obligations d’Etat dans le cadre d’un assouplissement quantitatif devrait être déterminée par le Cour européenne de justice (CEJ), qui s’est prononcée comme prévu en faveur de la BCE. La décision de ce mois-ci (qui conteste le verdict rendu de la CEJ) a donc pour le moins surpris les marchés. La BVG a donné au Parlement (Bundestag) et au gouvernement allemands trois mois pour s’assurer que la BCE « évalue la proportionnalité » de son programme d’achat de titres du secteur public (PSPP) pour l’acquisition d’obligations d’Etat. La banque centrale devrait ainsi démontrer dans son évaluation que les effets du PSPP sur la réalisation de l’objectif politique de la BCE (de maintenir une inflation proche de, mais inférieure à 2%) ne sont pas éclipsés par d’autres « effets de politiques économique et fiscale ». Et si l’évaluation de la proportionnalité tarde à venir, la BVG a indiqué que la Bundesbank pourrait ne pas poursuivre les achats dans le cadre du PSPP. Fait intéressant, la BVG n’a rien trouvé à redire à la possibilité que le PSPP soit considéré comme une forme de financement monétaire de la dette publique. Par ailleurs, les économistes de la BCE auront certainement produit une grande quantité d’études sur les conséquences du PSPP avant que le conseil des gouverneurs ne décide d’y donner suite. Cependant, la BCE pourrait se montrer réticente à fournir de telles données. Après tout, elle n’est pas soumise à l’influence des gouvernements et relève uniquement de la compétence de la CEJ, et non de celle de la BVG. Par ailleurs, la grande majorité des achats de la BCE cette année s’inscrivent dans le Plan d’achat d’urgence pandémique (PEPP), non couvert par la décision de la BVG. La décision de la BVG laisse l’ensemble des parties en proie à une situation difficile (le gouvernement allemand, la Bundesbank, la Commission européenne, la BCE et la CEJ). La question relève moins de la poursuite des achats d’actifs. Le président de la Bundesbank Jens Weidmann a indiqué être convaincu qu’une issue peut être trouvée, une position dont s’est fait l’écho le ministre des Finances Olaf Scholz. Et la BCE entend poursuivre ses politiques actuelles malgré tout. Le problème a plutôt trait aux domaines constitutionnel et politique. En jugeant « incompréhensible » la décision de la CEJ en faveur du PSPP, la BVG a ouvert la voie à de nouvelles contestations de la primauté de la CEJ sur les lois nationales. A cet égard, la réaction de la Chancelière Angela Merkel a été fort intéressante. Cette dernière a déclaré au Bundestag que l’Allemagne devrait être guidée par une « boussole politique claire », ce qui signifie pour elle une « monnaie unique forte ». Elle a ajouté que la décision de la BVG devrait encourager la zone euro à « renforcer, plutôt qu’à réduire, l’intégration ». De toute évidence, la Chancelière souhaite éviter une crise politique et constitutionnelle à ce stade. Comme l’indique le graphique de gauche, la réponse de la zone euro à la récession induite par le coronavirus a été déséquilibrée. Les gouvernements nationaux en ont fait plus que l’UE en matière de programmes d’aide. Et entre les pays, ceux dont les finances publiques sont les plus saines (comme l’Allemagne) en ont fait plus que les membres plus fragiles comme l’Italie et l’Espagne, même si ces derniers ont beaucoup plus besoin de cette aide que l’Allemagne. Il sera toutefois possible de rétablir l’équilibre la semaine prochaine lorsque la Commission présentera son avant-projet pour le Fonds de relance avant le prochain sommet du Conseil européen qui se tiendra les 18 et 19 juin.
Conclusion. La réaction du marché à la bombe lâchée par la BVG a été modérée, les investisseurs ayant jugé (à juste titre, selon nous) qu’il n’y aurait pas d’interruption immédiate des achats de la BCE. Cependant, les conséquences politiques et constitutionnelles pourraient être beaucoup plus vastes et ne peuvent être abordées que par des dirigeants comme Angela Merkel qui aspirent encore à renforcer l’intégration.
