Weekly Update - Une colombe ne fait pas le printemps?
Comme la Banque Centrale Européenne (BCE) la semaine dernière, la réserve Fédérale américaine (Fed) et la Banque d’Angleterre (BoE) ont signalé cette semaine que si un mouvement de baisse de taux se profile, il ne débuterait qu’une fois le repli de l’inflation bien ancré. Les banquiers centraux souhaitent disposer de plus de données et semblent ainsi vouloir attendre le printemps pour amorcer ce cycle baissier. Cycle qui pourrait, selon nous, s’avérer bien moins marqué qu’anticipé par les marchés, avec seulement trois baisses de taux en 2024.
La Fed : colombe mais pas trop. Sans surprise, la Fed n'a pas annoncé de changement de politique monétaire cette semaine. Elle a cependant fait des ajustements importants en termes de communication dans son communiqué. Elle a d'un côté enlevé la référence à la possible nécessité de procéder à d’autres hausses de taux, mais d'un autre côté elle a rajouté que les taux ne baisseront pas sans une plus grande certitude d’un retour pérenne de l’inflation vers la cible de 2%. Ainsi, la Fed envoie clairement un message accommodant (ou "colombe"), confirmant que la baisse des taux est bien sur les rails. Cependant, la Fed signale également que les anticipations de marché d’une baisse de taux en mars sont trop optimistes. De fait, la probabilité d’une baisse de 25pb perçue par les marchés en mars a baissé. Mais les baisses de taux de 25pb début mai et mi-juin, restent bien anticipées, malgré la baisse de leurs probabilités respectives suivant la publication du rapport sur l’emploi américain (graphique 1).
La BoE : un coup pour rien. La décision de la BoE fut loin d’être unanime : six membres ont voté pour le statu quo, un pour une baisse de taux et deux pour une hausse. Malgré ces deux votes en faveur d’une poursuite de la hausse des taux, le communiqué de la BoE n’envisage plus cette option. La BoE semble ainsi aussi prendre acte la fin du cycle de hausse de taux. Néanmoins, avec des mots quasi-identiques à ceux de la Fed, le gouverneur Andrew Bailey a signalé que la BoE n’était pas prête à baisser les taux, souhaitant une confirmation non seulement du retour de l’inflation à la cible mais aussi de son maintien à ce niveau.
Baisses au printemps certes, mais suivies de baisses modérées. Comme nous l’avions expliqué dans notre précédent weekly (voir ici), l’inflation en zone euro pourrait ne retrouver son niveau cible de 2% que très lentement compte tenu 1) des effets de base (sur les prix de l’énergie notamment) et 2) des faibles gains de productivité. Cela limiterait ainsi les marges de manœuvre de la BCE. La BoE est dans une situation similaire, d’autant plus que l’inflation britannique a été supérieure d’au moins un point de pourcentage à celle de la zone euro, en moyenne, en 2023.
La Fed est dans une situation différente. D’une part, certaines mesures d’inflation sont déjà au niveau cible (déflateur de la consommation privée notamment). D’autre part, les gains de productivité se sont nettement redressés depuis leur creux atteint fin 2023 (graphique 2). La problématique de la Fed n’est donc pas tant celle d’un retour lent vers la cible mais celle d’une économie robuste (croissance du PIB de 3,3% en rythme annualisé au T4) avec des créations d’emplois toujours vigoureuses (voir ci-après). De ce fait, la Fed n’a pas la nécessité de baisser les taux vite et fort, l’économie américaine apparaissant suffisamment solide pour continuer de faire face à des conditions monétaires restrictives. Au total, selon nous, une fois la première baisse effectuée au printemps, les trois principales banques centrales devraient par la suite procéder à des baisses de taux modérées. Nous attendons trois baisses pour la Fed, la BCE et la BoE, contre cinq à six escomptées par les marchés pour la Fed et la BCE et quatre pour la BoE.
Dans les événements marquants de la semaine, nous avons choisi d'évoquer les chiffres de croissance européens ainsi que les chiffres du marché du travail américain:
La zone euro a connu une croissance nulle au dernier trimestre de 2024, après une baisse de -0,1% en trimestre sur trimestre au T3 et alors qu’une autre baisse de 0,1% était attendue. Cela a été rendu possible par les bons chiffres espagnols (0,6% contre 0,2% attendu) et italiens (0,2% contre 0% attendu), et alors que, conformément aux prévisions, la France stagnait et l’Allemagne se contractait de 0,3%. Les contributions positives viennent aussi d’économies plus petites comme le Portugal (0,8%), la Belgique (0,4%) et l’Autriche (0,2%) tandis que l’Irlande (-0,7%) notamment se contractait. De son coté, l’inflation de la zone euro s’est repliée en janvier mais un peu moins qu’attendu par les marchés, de 2,9% à 2,8% (contre 2,7% attendu).
Les chiffres de l’emploi américain pour le mois de janvier témoignent de la résilience de l’économie américaine. En effet, 353 000 emplois ont été créés, surpassant nettement les attentes des économistes de 180 000 nouveaux emplois. Le taux de chômage s’établit à 3.7%, inchangé par rapport au mois précédent et inférieur aux 3.8% attendus par le marché. La force du marché de l’emploi américain profite aussi aux salariés, qui ont vu leurs salaires horaires s’accroître de 0.6% sur un mois (4.5% en glissement annuel) après 0,4%.
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