
Interview de Morane Rey-Huet
Le rêve américain
La vie de Morane Rey-Huet, confondateur de Meersens, société commercialisant un dispositif intellignt de suivi des polluants, substances toxiques et autres allergènes de l'environnement quotidien, a un parfum de rêve américain. Lycéen, il part à Portland, en Oregon, où il obtient son baccalauréat. Quelques années plus tard, ingénieur diplômé de l'Institut national polytechnique (INP) de Grenoble, il repart et décroche un master de l'Ecole des mines du Colorado. Informatique, data mining, deep learning et Silicon Valley ? "Moi, c'était plutôt la Boston Valley, Harvard, Yale, le MIT !".
En 2000, il débute comme consultant IT chez Pfizer et Belcom aux Etats-Unis. Un de ses premiers patrons détecte très tôt chez lui le goût d'entreprendre. Juste intuition...Presque vingt ans plus tard, Meersens, la start-up qu'il a cofondée fin 2017 à Lyon avec Louis Stockreisser, directeur des services d'information, est primée d'un Innovation Award au Consumer Electronics Show (CES) de Las Vegas, en janvier 2019, dans la catégorie "Tech pour un monde meilleur".
Exposome
Le virus de l'international n'a jamais quitté Morane Rey-Huet, qui est secrétaire général du comité régional Auvergne-Rhône-Alpes des conseillers du commerce extérieur de la France. Après un passage par la Japon pour Pfizer, il intègre Schneider Electric et se retrouve en Inde, où il développe de sprojets "industrie et automation". Retser dans la place n'est pas sa tasse de thé. "Quand je rentre dans une zone de confort, il est temps pour moi de changer." Et de partir aileurs...
Direction Shanghai, où il devient vice-président marketing de la division Power de Schneider en Chine. Le premier de ses deux enfants naît en 2008, au moment du scandale du lait contaminé dans ce pays. Un événement déclencheur. "J'ai pris conscience là-bas des risques de l'exposome : tous les facteurs environnementaux immédiats qui peuvent avoir un impact sur notre santé." Selon l'OMS, près de 13 millions de décès par an sont liés à des facteurs environnementaux*. L'idée de Meersens est en germe, mais le manager choisit d'abord de passer par l'étape ETI (Entreprise de Taille Intermédiaire). Il rejoint le groupe familial Aldes, qui cherchhe à se développer à...l'international ! Un challenge réussi: les marchés extérieurs boostent désormais la croissance de l'entreprise, et son président est un fidèle supporter de Meersens.
(*) OMS, « Preventing disease through healthy environments », mai 2016.
Sentinelle
La philosophie de Morane Rey-Huet, c'est la légende du colibri : chacun d'entre nous peut faire sa part pour créer un avenir durable. Le nom de la start-up est d'ailleurs une histoire d'animal. Il s'inspire du mot anglais "meerkat", qui désigne le suricate, ce petit mammifère toujours en alerte. Car Meersens se définit comme "le gardien de votre santé", version prévention. Alliance d'IA, d'open data, et d'Internet des objets, la solution comprend une application gratuite sur smartphone, Meersens, un boîtier connecté nomade, la mBox, et des biocapteurs, baptisés mSens. Elle permet de surveiller les polluants dans l'environnement immédiat et donne des conseils pour en réduire les effets selon le profil de l'utilisateur. Rien ne lui échappe: qualité de l'air, de l'eau, UV, ondes, bruit, pesticides, allergènes, pertubateurs endocriniens...
"Notre force est de couvrir l'ensemble de l'exposome et de proposer des solutions personnalisées", souligne l'entrepreneur. Modulaire, la mBox peut être équipée de biocapteurs différents suivant les besoins. Le dispositif se déploie dans les entreprises - 80% de l'activité est en B to B, 20% en B to C - et intéresse les villes, donc l'attractivité est de plus en plus liée à la qualité de leur environnement.
Licorne
Etre honoré du titre de licorne européenne demain ? Avec plus de 300 millions d'utilisateurs potentiels du produit, Meersens en a tous les atouts, estime son président, dopé par le CES Innovation Award, "qui donne de la visibilité". Si ses premiers marchés cibles sont la France et les Etats-Unis, Meersens compte se tourner vers a Chine dès 2020. "Nous voulons être l'EAAS* de l'environnement et devenir l'agrégateur de tous les types de données environnementales", affirme Morane Rey-Huet.
Après une première levée de fonds de 300 000 euros en 2018, une deuxième de 5 millions d'euros vient d'être lancée pour fin 2019. Les principaux investisseurs seront certainement américains et chinois, précise l'entrepreneur, qui consacre un tiers des fonds à la R&D. "A l'avenir, des biocapteurs seront intégrés dans la coque du smartphone, et l'interface avec l'application sera vocale."
(*) exposome as a service
Communauté
"On ne gagne pas seul", insiste Morane Rey-Huet, mais avec une équipe - quatre femmes et quatre hommes - et un écosystème local bienveillant dont tous les acteurs, publics comme privés, comptent : Bpifrance1, anques, collectivités territoriales, laboratoires de recherche, universités et grandes écoles, entreprises partenaires... Ce passionnée de haute montagne croit au génie du collectif. A ses yeux, l'appli est le Waze2 de la santé, car son efficacité et son développement reposenty aussi sur la communauté des utilisateurs. Des "lanceurs d'alerte" évidemment.
(1) Banque publique d’investissement française (2) Appli GPS communautaire pour les automobilistes.