Son mental d'acier: « La liberté, tout le monde la veut mais ne sait pas forcément quoi en faire. » Il faut se préparer à affronter toutes sortes d’épreuves et d’imprévus pour garder le cap. L’envie de réussir doit surpasser la crainte d’échouer, car, dans un tel environnement, « l’échec n’est pas une option ».

Interview de Mike Horn

Mike Horn est né le 16 Juillet 1966 à Johannesbourg (Afrique du Sud).
Il a multiplié les exploits dans les régions polaires, dont la traversée du Groenland en 15 jours (2002), un trek de 20 000 km autour du cercle arctique (2002-2004), l'exploration du pôle Nord de nuit (2006) ou encore la traversée de l'Antarctique en solitaire en 57 jours, accomplie en 2017 dans le cadre de son projet Pole2Pole, un tour du monde passant par les deux pôles débuté en 2016. Incluant également des défis sur terre - dont l'ascension du K2, dans l'Himalaya -, Pole2Pole devrait achever la boucle à la fin de cette année, avec un retour par la mer au point de départ: Monaco.
Votre parcours le montre, il semble que vous avez été très tôt attiré par l’ailleurs et l’envie de vivre plusieurs vies. Quel a été l’élément déclencheur qui vous a conduit à sillonner la planète au cours d’expéditions chaque fois plus spectaculaires ?
Mike Horn : Je suis né et ai grandi en Afrique du Sud, où ma jeunesse a été « classique » : études, armée, début de carrière professionnelle intéressant, etc. J’ai tiré un trait sur cette vie en quittant à 24 ans mon pays natal, avec un point de chute totalement lié au hasard : la Suisse. C’était le premier vol à destination de l’Europe ! J’aimais le sport, la nature, les voyages et l’aventure. Je m’y suis adonné en Europe puis en Amérique du Sud. Mais un accident de parapente m’a cloué sur un lit d’hôpital pendant un mois… De longs jours propices à la réflexion, à faire le point et penser à l’avenir. J’ai ainsi pris la décision la plus importante de ma vie : devenir explorateur.
Qu’attendez-vous des défis que vous vous lancez régulièrement ?
M. H. : Loin de la civilisation, en bravant les éléments extrêmes, je trouve des réponses à des questions qui ne cesseraient de me hanter si je restais assis dans mon fauteuil. J’explore des terres inaccessibles pour y découvrir qui je suis.
Je n’aurais pas le sentiment d’être complet si je ne pouvais pas assouvir ma passion de la nature dans sa splendeur la plus inhospitalière. Oui, bien sûr, chaque fois, je repousse mes limites. « Si tes rêves ne te font pas peur, c’est qu’ils ne sont pas assez grands », m’a dit un jour mon père. Et c’est là le sel de ma vie d’explorateur.
Pole2Pole est peut-être, à ce jour, le plus impressionnant de vos périples avec notamment celui en Antarctique. En quoi était-ce « le rêve d’une vie » ?
M. H. : Enfant, les récits des expéditions menées par Ernest Shackleton et Roald Amundsen au pôle Sud me fascinaient. Ils m’ont donné l’envie de devenir, comme eux, explorateur, un rêve qui ne m’a jamais quitté.
La boucle est-elle bouclée ou pensez-vous déjà à votre prochaine expédition ? À un tout autre projet ?
M. H. : Je veux retourner au K2 pour être le premier à conquérir l’une de ses arêtes. Le K2, au Pakistan, est la deuxième plus haute montagne : 8 611 mètres.
Ma tentative en 2014 a tourné court à 200 mètres du sommet en raison du mauvais temps. Et ceux qui ont continué ont déclenché une avalanche et en sont morts. Moi, je peux retenter en ajoutant une difficulté, une arête jamais vaincue, et ainsi écrire un nouveau chapitre de l’histoire du K2. Nous devons également achever le périple Pole2Pole, et, si tout va bien, mon bateau apparaîtra à l’horizon de Monaco fin novembre-début décembre.
Vous avez fait construire un bateau au Brésil. Pourquoi ?
M. H. : Parce que c’est là où j’ai trouvé l’aluminium nécessaire et, surtout, j’ai pu le construire avec les habitants défavorisés d’une favela de São Paulo. J’essaie toujours de donner du sens à ce qui pourrait n’être considéré que comme un exploit sportif. Je veux aider les jeunes à prendre conscience des enjeux environnementaux, c’est un défi important pour moi. Je vois mon terrain de jeu qui change et je veux agir auprès des futures générations. Et, quand les conditions le permettent, j’embarque au cours de mes périples de jeunes explorateurs pour les sensibiliser à la préservation de notre planète.
Quel est votre regard sur le tourisme de masse, dont l’empreinte environnementale fait aujourd’hui débat, notamment aux pôles ?
M. H. : Le tourisme en Antarctique et en Arctique n’est pas encore un tourisme de masse. Ces continents sont, je dirais, préservés par leur « hostilité » : de la glace qui dérive sur la mer et donc inconstructible, avec des températures extrêmes pendant neuf mois ; on ne peut pas vivre au nord du cercle polaire. Les visites se font principalement par bateaux dont l’accès est très réglementé. Les touristes n’y séjournent pas réellement, ils y font un tour, en admirent la beauté… avec donc une très faible empreinte environnementale. La crainte est de voir arriver aéroports et avions !
Quels sont les livres qui vous accompagnent durant vos expéditions ?
M. H. : J’emporte toujours une Bible. Je ne suis pas pratiquant, mais j’aime beaucoup relire certains passages, dont ceux relatant des miracles. Peut-être parce que, dans ma vie d’explorateur, je dois espérer, croire aux miracles quand je suis seul, blessé, perdu parfois, ne sachant quelle direction prendre.
Dans son sac à dos...
Sa soif de vivre : « Si tes rêves ne te font pas peur, c’est qu’ils ne sont pas assez grands. » Au bout du monde, les conditions peuvent se révéler extrêmes. Être capable de trouver du plaisir dans les pires situations permet de se surpasser pour explorer des territoires quasiment inconnus.
Sa casserole fétiche, avec réchaud intégré : Perdu vers le kilomètre 160 lors de sa dernière expédition polaire, ce « bijou » technologique capable de faire fondre 5 litres de glace, « sans que ça dure la nuit entière », a accompagné Mike Horn aux quatre coins du monde depuis quinze ans.
Son optimisme : « On passe en moyenne 30 000 jours sur Terre. Tu veux en faire quoi ? » L’explorateur est le témoin direct du monde qui nous entoure et de ses changements. Le programme de Mike Horn « Young Explorer » a réuni 400 jeunes de 40 pays au cours d’expéditions entre 2008 et 2012. De retour dans leurs pays, ceux-ci ont lancé plus de 100 projets environnementaux !
Sa trousse de survie :
- Un couteau solide pour bricoler, se soigner, manger, se défendre…
- Une lampe torche (et des piles), pour s’éclairer et envoyer des SOS.
- Un briquet. Ça ne prend pas de place et ça peut toujours servir !
- Une gourde indestructible et des pastilles pour purifier l’eau, la meilleure invention du monde, selon Mike Horn.
L'Antarctique, le rêve d'une vie
Personnalité hors norme et chaleureuse, Mike Horn a écrit un livre qui lui ressemble. Il y partage sa traversée de l’Antarctique, qui revêt par moments l’allure d’un thriller alternant des épisodes exaltants et des scènes de découragement total. Il y parle de ceux qui ont compté pour l’explorateur qu’il est devenu : ses parents et sa femme disparus et ses deux filles.
Loin de l’histoire d’un super-héros, son récit est celui d’un homme qui a la chance de vivre ses passions.
XO Éditions, 2018, 286 pages.