DSLCollection : À l'avant garde de l'art et du digital
Le musée en réalité virtuelle DSLCollection offre au public la possibilité de découvrir autrement de nombreuses installations et œuvres gigantesques.
Sylvain Levy, avant de créer, avec votre épouse, votre collection dédiée à la scène artistique chinoise, quel type de collectionneur étiez-vous ?
Nous n’étions pas du tout issus d’une famille de collectionneurs. Nous avons été initiés à l’univers des galeries dans les années 1980 et nous y avons pris goût, au point de succomber rapidement au virus de la « collectionnite ».
Nous avons débuté par l’acquisition d’œuvres contemporaines. Il y a 25 ans, nous nous sommes concentrés sur les pièces de design, notamment des années 1940. C’est un voyage en Chine, en 2005, qui a marqué le début de l’aventure, toujours actuelle, de DSLCollection.
Pourquoi cette passion, depuis plus de 15 ans, pour la scène artistique chinoise ?
Nous avons eu un véritable choc durant ce voyage en Chine. Nous avons découvert un pays qui se transformait à une vitesse incroyable, comparé à Paris, cette « belle endormie ». L’art est le miroir de la société. Ce pays qui possède plus de 5 000 années de culture et un réservoir d’un milliard et demi d’habitants déborde d’une énergie créatrice que nous avons voulu explorer.
Il existait peu de galeries lorsque nous avons débuté. Nous avons d’abord travaillé avec les artistes, directement. Ils nous recommandaient ensuite à d’autres créateurs.
Ce mode de fonctionnement, basé sur des relations interpersonnelles amicales, est propre à la culture chinoise. On l’appelle le Guanxi et il est à l’origine de 40 % de notre collection. Nous avons ainsi développé une proximité très forte avec de nombreux artistes – nous en connaissons personnellement plus de 200, sur les 250 que regroupe DSLCollection.
Au fil des années, le monde de l’art contemporain chinois s’est structuré. Aujourd’hui, nous nous appuyons davantage sur les galeries, qui sont un maillon essentiel dans la promotion et la carrière des artistes.
Dans un univers aussi foisonnant, quelles lignes directrices ont guidé vos choix pour créer l’identité de DSLCollection ?
Créer une collection privée, c’est faire des choix et les assumer. C’est ce qui permet de lui donner une âme. Peggy Guggenheim a su remarquablement le faire à Venise. Pour que cette collection ait une âme, il nous a paru nécessaire qu’elle soit avant tout cohérente et compréhensible. Nous la limitons à 250-300 œuvres, avec un renouvellement de 5 à 10 % de ces œuvres chaque année. C’est comme l’entretien d’un bonsaï : plus on procède à des coupes, plus on affirme l’identité d’une collection. Nous nous intéressons à tous les médiums : peinture, sculpture, vidéos, encres sur papier, installations… Avec toujours le souci de rechercher des œuvres contemporaines.
Ce qui prime, ce n’est pas la date mais leur façon de défier le statu quo, qui est finalement le propre de créations au caractère intemporel. Nous venons par ailleurs d’acquérir notre première œuvre digitale via un non-fungible token. Dans le fond, il s’agit d’une œuvre traditionnelle mais celle-ci utilise le langage de son temps.
La Chine, qui possède plus de 5 000 années de culture et un réservoir d’un milliard et demi d’habitants, déborde d’une énergie créatrice que nous avons voulu explorer.
Vous avez toujours eu une appétence pour le numérique. Quel est votre objectif lorsque vous créez votre musée virtuel en 2017 ?
Dès 2005, nous décidons d’ouvrir notre collection au public mais cela coûte très cher et c’est très compliqué. Nous choisissons donc le « phygital », c’est-à-dire d’être à la fois dans le physique et le digital, et nomades, pour aller à la rencontre des amateurs d’art. Il a fallu faire face au tsunami numérique et à la transformation radicale de l’expérience du public avec les œuvres d’art : le grand public – en particulier les jeunes – les découvre avant tout sur Instagram. C’est la raison pour laquelle nous avons d’abord construit un musée en 2D puis en 3D, avant d’investir le champ des jeux vidéo et celui de la réalité virtuelle. Le digital permet de drainer un nouveau public vers l’art – les jeunes notamment –, à condition de favoriser une ludification (gamification) de l’expérience. C’est ce qu’offre notre musée virtuel, qui propose de déambuler, de voler, d’interagir au milieu d’installations et d’œuvres monumentales.
L’edutainment, c’est-à-dire la jonction de l’éducation et du divertissement, est à notre avis essentiel pour capter ce nouveau public.
Le digital permet de drainer un nouveau public vers l’art – les jeunes notamment –, à condition de favoriser une ludification de l’expérience. C’est ce qu’offre notre musée virtuel, qui propose d’interagir au milieu d’installations et d’œuvres monumentales.
Ce souci de l’accessibilité vous a poussé à réfléchir à d’autres initiatives…
Dans un monde où les humains passent 4 à 7 heures par jour sur Internet, où la notion de metaverse (monde virtuel collectif parallèle) est de plus en plus présente, comment répondre aux désirs, à la façon de consommer de la génération Alpha, née après 2000 et nourrie au numérique dès la naissance ? Le projet DSL VR ART Village tente d’y répondre avec la reconstitution virtuelle d’un village d’artistes chinois des années 1980. Les visiteurs de tous les continents peuvent s’y retrouver, voire discuter avec les artistes en direct dans leur studio.
Les prochaines étapes, en cours de réalisation, sont la création d’un parc virtuel avec des sculptures, en partenariat avec la Réunion des musées nationaux - Grand Palais (RMN), et celle du musée virtuel de Pingshan.
Le public pourra ainsi vivre une expérience complète en passant de la découverte du village à la déambulation dans le parc, puis à la visite du musée. Nous développons également un jeu vidéo, Forgetter, qui s’adressera à la communauté des gamers (joueurs), forte de 1,5 milliard de personnes. Il s’agit de susciter une rencontre entre l’expérience artistique et ce que le gamer recherche.
Comment interagissent cette prolifération de projets virtuels et le réel dans votre collection ?
L’expérience de l’art dans le digital est totalement différente de l’expérience de l’art dans le réel. Le catalogue digital conçu en 2016 permet par exemple de découvrir le processus de création et d’avoir accès aux créateurs, grâce à plus de 200 vidéos présentant les artistes. L’expérience du catalogue digital vient compléter celle du catalogue papier. Ce serait une erreur de vouloir reproduire le réel dans le virtuel, comme les initiatives développées hâtivement par le secteur au début de la pandémie l’ont montré.
Enfin, il faut garder en vue que la technologie doit toujours rester au service de l’art. Le digital est une opportunité pour les musées et les institutions : il permet de ramener l’humain au centre et de préserver le rapport à l’art. L’artiste doit toujours être au cœur de nos priorités.
Les œuvres intenses et chargées d’émotion de Jia Aili, né en 1979 et qui travaille à Pékin, reflètent la condition humaine et la vulnérabilité de l’individu dans une société qui se modernise rapidement.
Ce chef-d’œuvre monumental de 15 mètres par 6 mètres est fait d’images de débris industriels et de personnages solitaires. Il est constitué de cinq panneaux, qui ont été réalisés en six années. We Are from the Century rappelle les programmes d’exploration spatiale des années 1980, capturant des moments ambigus, à la fois pleins de regrets et d’espoir.
Né en 1965, cet artiste mondialement connu pour ses performances humaines est l’un des premiers à avoir rejoint DSLCollection. Son œuvre aborde souvent le thème du bouddhisme. C’est le cas avec Peace I. Sur la grande cloche en bronze, inspirée de modèles de temples tibétains, Zhang Huan a inscrit le nom de huit générations d’ancêtres de sa famille. À côté, un moulage détaillé de son propre corps (que le spectateur peut actionner) est suspendu horizontalement. Au fur et à mesure que la cloche sonne et résonne, l’œuvre s’anime, émettant des sons graves. À travers eux, on accède aux strates de l’histoire de l’artiste.
Lu Yang, née en 1986 à Shanghai, a étudié à la China Academy of Fine Art de Hangzhou, dont elle est Bachelor of Arts et Master of Arts, sous la tutelle de l’artiste vidéaste Zhang Peili. Comme la génération montante formée à la technique classique, elle attire un nouveau public avec des moyens d’expression divers allant du pinceau à Photoshop.
En intégrant la réalité virtuelle, le gaming et la musique populaire avec l’installation Electromagnetic Brainology, l’artiste suscite des expériences originales et provocantes libérées des limites rigides de la nationalité, du genre et de la sexualité.