
Art Banking - Street Art
Prenant source dans les années 60, l’art urbain regroupe des courants et des pratiques très diverses. Maître Arnaud Oliveux, directeur du département Urban Art chez Artcurial nous éclaire sur ce mouvement.
Propos recueillis par Laurent Issaurat, Responsable Art Wealth Management au sein de Société Générale Private Banking.
Qu’est-ce donc précisément l’art urbain ?
Maître Arnaud Oliveux : L’art urbain recoupe des réalités très différentes qui vont du graffiti aux pratiques urbaines les plus contemporaines. Il est né aux Etats-Unis dans les années 60 avec la culture du writing, c’est-à-dire la pratique du tag et du graffiti. Cet art de l’écriture s’est développé dans le métro, sur les murs de la ville à New York, puis à Paris et plus largement en Europe.
Ce mouvement a ensuite évolué vers le « post-graffiti » qui marque une transition vers de nouveaux supports comme la toile, le papier, les panneaux de bois, pour être désormais exposé hors de la rue dans des galeries et des centres d’art.
En parallèle du writing, d’autres pratiques se sont développées, que l’on regroupe aujourd’hui davantage sous la dénomination « street art », que sont par exemple le pochoir ou le collage. En France, l’art du pochoir s’est ainsi développé dès le tout début des années 80, avec des artistes tels que Blek le Rat et ses pochoirs de rat que l’on retrouvait sur les bords de Seine, Miss.Tic et ses autoportraits puis portraits de femme accompagnée des aphorismes qui ont fait sa renommée, ou encore un travail à l’acrylique direct et les silhouettes blanches de Jérôme Mesnager. Gérard Zlotykamien fait office de véritable pionnier de cette scène ; ainsi en 1963, il expose à la Biennale de Paris mais finit par décrocher son œuvre pour manifester contre la censure dont fait l’objet cette manifestation et il décide que la rue sera son nouveau terrain d’expression. Il crée les Ephémères dans les grands chantiers de l’urbanisme urbain, sur les palissades, …. Ernest Pignon-Ernest veut, lui, toucher un public large et choisit le collage de sujets incarnés à travers les villes dans des endroits délabrés, comme à Naples.
Le développement de l’art urbain en Europe a-t-il les mêmes racines qu’aux Etats-Unis ?
A.O. : Aux Etats-Unis, ce mouvement est motivé par une revendication sociale, presque sociologique ou sociétale. Les graffeurs sont très majoritairement issus de minorités sociales qui, pour émerger de la société et tout simplement exister, apposent leurs noms sur les murs, de façon de plus en plus visible et virale dans la ville. Le pionnier du graffiti aux Etats-Unis à New York (précédé à Philadelphie dès 1967 de Cornbread) est probablement Taki 183, d’origine grecque, qui, profitant de son statut de coursier et pour se faire repérer, couvre des quartiers entiers de son nom (une abréviation du prénom Demetraki) et de son adresse, la 183e rue.
A l’opposé, en Europe, en France en particulier, l’art du pochoir a été porté par des artistes au parcours classique mais qui ont choisi la rue comme terrain d’expression. Leur objectif était de conquérir un autre type de public et de sortir du monde de l’institution. Aujourd’hui, le phénomène s’inverse et certains artistes, souhaitent, au contraire, revenir dans les musées.
Vous évoquez l’institutionnalisation de l’art urbain. A quel moment celui-ci est-il entré dans les galeries ?
A.O. : On peut penser que c’est un phénomène relativement récent mais il est en réalité presque concomitant à la naissance de cet art. Dès lors que le « post-graffiti » prend sa place sur la toile, c’est finalement en vue d’être exposé. Des galeries très pointues diffusent ces œuvres dès le milieu des années 70 à New York. Cette tendance s’amplifie dans les années 80 avec les galeries Sidney Janis ou FUN Gallery et des lieux alternatifs comme Fashion Moda qui organisent des expositions et de véritables soirées festives autour d’artistes graffeurs aujourd’hui sur le devant de la scène : Dondi White, Futura 2000 ou Rammellzee, en écho à des artistes comme Jean-Michel Basquiat, qui n’ont jamais été graffeurs à proprement dit (en dehors des tags SAMO des débuts) et qui se sont tournés presque immédiatement vers une pratique d’atelier.
L’Europe est également très vite touchée par ce phénomène. Alors que les métros et certains quartiers de New York sont saturés de tags et graffitis, la ville procède dans les années 80 à un travail important de nettoyage, d’interdiction et de poursuites, poussant les graffeurs à se rendre en Europe pour s’installer ou exposer. Un véritable marché se développe en France ainsi qu’en Belgique, Italie, Allemagne ou Pays-Bas. C’est à cette époque que des musées comme celui de la ville de Groningue ou des collectionneurs importants comme l’allemand Peter Ludwig à Cologne (préfigurant la Ludwig Collection) ont, par exemple, constitué leur collection de graffiti historique. En France, agnès b. collectionne et expose dès 1984 ces artistes dans la Galerie du Jour.
Comment se porte actuellement le marché de l’art urbain et quels sont les artistes qui se distinguent ?
A.O : Le marché de l’art urbain, comme je l’évoquais précédemment, a émergé dans les années 80 mais s’est retrouvé à l’arrêt au début des années 90, période de retournement généralisé du marché de l’art. Une nouvelle génération d’artistes apparait ensuite dans la seconde moitié de cette décennie qui sont aujourd’hui les grands noms des ventes actuelles. C’est le cas de Banksy (pochoir), d’Invader (collage de mosaïques) ou un peu plus tard de JR (et son travail de collages photographiques).
En 2005, à Londres des premières œuvres de Banksy sont vendues aux enchères. L’année suivante, Artcurial organise au mois d’octobre une vente d’art contemporain dans laquelle un chapitre spécial dédié est consacré à l’art graffiti et post-graffiti ; il rencontre un très fort succès (ventes 10 fois supérieures aux estimations) et lance un phénomène qui va s’amplifier, de vente en vente. Les cinq années qui suivent marquent la maturation de ce marché avec l’intégration progressive de nouveaux artistes et une progression régulière des prix. Ces ventes ont souvent précédé l’ouverture de galeries qui se sont intéressées à ce marché par la suite.
Aujourd’hui, nous entrons dans une étape d’institutionnalisation. Le marché est devenu de plus en plus sélectif et tout l’enjeu pour les collectionneurs est de savoir repérer ceux qui peuvent se dégager et devenir les futures leaders. Côté institutions, plusieurs artistes sont par exemple à l’honneur cette année en France avec une exposition Rammellzee au Palais de Tokyo ou une rétrospective de Futura 2000 à la Fab lieu ouvert par agnès b.. Par ailleurs, le Centre Pompidou (Musée National d’Art Moderne) démarre enfin sa collection, en s’intéressant à la scène parisienne (Miss.Tic, Zlotykamien, les VLP…) et comment celle-ci s’est construite en marge de l’art contemporain officiel.
Je voudrais ajouter une anecdote qui témoigne de l’importance qu’ont pu prendre certains artistes dans le monde de l’art au sens large. En 2001, lors d’une vente d’œuvres d’artistes très contemporains, figurait de façon marginale l’artiste Invader (œuvre invendue à 500 €). Aujourd’hui, c’est le seul artiste de cette vente à s’être fait un nom sur le marché !
Quel est le profil des collectionneurs ?
A.O : Les acheteurs peuvent aussi bien avoir 80 que 25 ans. Il n’y a plus de limites générationnelles aujourd’hui. Certains préfèrent se consacrer à des supports plus classiques comme des tableaux et d’autres à des objets dérivés moins coûteux bonne entrée en matière dans l’acte de collectionner : lithographie, objets « collectibles » (sneakers, toys…). Enfin, cet art reste plutôt occidental, tout en se développant dans des régions moins attendues ou des territoires moins enclins à la liberté d’expression (Afrique, Amérique du Sud…). Lors des premières ventes, les acheteurs faisaient partie d’une communauté qui ne s’intéressait qu’à cette scène et la connaissaient bien. Aujourd’hui, il n’y a plus de profil particulier de collectionneur aux profils très variés. Le public de l’art urbain est beaucoup plus large, ouvert à un dialogue entre les différentes scènes artistiques. Côté professionnel, nous avons également à cœur de faciliter ces passerelles, à privilégier des ventes consacrées plus largement à l’art contemporain dont l’art urbain fait intégralement partie.
Quels conseils donneriez-vous à ceux qui souhaitent acquérir de l’art urbain ?
A.O : Cette question vaut pour le marché de l’art contemporain au sens large. Sur un marché émergent, il faut accepter de prendre des risques ou sinon s’orienter vers des artistes déjà référencés, mais à des prix plus élevés. Le critère premier restera d’aimer ce que l’on va acheter, d’acheter par passion.
Il faut aussi se documenter, lire et écouter les conseils avisés que les professionnels et spécialistes peuvent prodiguer.
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