
Un air de famille pas toujours bienvenu, même dans une ère d’incertitudes
Pour beaucoup, l’été est l’occasion de s’évader pour se ressourcer. Certains profitent des longs congés estivaux pour chercher un peu d’exotisme, parfois en découvrant un pays à l’autre bout du monde. D’autres, à l’inverse, privilégient le retour dans des lieux qu’ils affectionnent particulièrement. Cette dernière option nous fait naturellement voyager vers le biais de familiarité, une tendance fréquente chez les investisseurs qui privilégient de façon démesurée ce dont ils sont déjà connaisseurs.
Le biais de familiarité, un pilier de la famille des biais cognitifs
Quel est le trait commun entre Victoire, une salariée qui limite ses investissements aux actions de l’entreprise, Grégoire, qui a un passé professionnel dans les activités de financement et qui privilégie l’endettement pour la société qu’il dirige, et Louis, un investisseur qui favorise les entreprises détenant des marques de biens et de services qu’il utilise ? Tous trois ont des comportements marqués par le biais de familiarité, une tendance à préférer investir dans actifs dont on est déjà familier.
Brossons le portrait de famille de ce biais mis en exergue en 1991 par une publication des chercheurs Amos et Tversky cherchant à remettre en question l’hypothèse d’aversion à l’ambiguïté (introduite dans notre article : l’herbe n’est pas plus verte dans nos finances personnelles que dans notre jardin). Ils ont mené une série d’expériences, au pays de l’oncle Sam, auprès d’étudiants devant miser une somme pour répondre à une question dont la bonne réponse (sur les pronostics sportifs, les élections à venir, la culture générale, etc.) leur permettait de gagner 15 dollars. Sans surprise, plus les étudiants se sentent dans leur zone de confort (par exemple, des questions complexes mais sur leur université plutôt que sur celle d’un autre état américain, ou encore sur la distance entre deux villes dont la leur plutôt qu’entre deux villes d’Asie, etc.) plus ils préfèrent miser sur la base de la connaissance, plutôt que de laisser le hasard de la loterie (50% de chance) pour tenter de remporter le gain. Mais, le véritable enseignement réside dans la « prime » que les étudiants sont prêts à payer pour répondre sur la base de leur savoir plutôt que de laisser leur chance à la loterie. Alors que les étudiants sont prêts à payer 7.12 dollars pour parier sur un sujet dont ils sont familiers et seulement 5.96 dollars pour un sujet dont ils ne se sentent pas familier. Ces expériences rigoureuses, dont le résultat peut sembler intuitif, ont donc marqué un tournant important en quantifiant précisément, à 20%, cette prime « de compétence » (selon le terme employé par les auteurs). Ainsi, nous serions prêts à parier davantage lorsque nous nous sentons compétents dans un domaine, quand bien même notre jugement serait plus ambigu qu’une probabilité binaire.
Bien évidemment, le biais de familiarité est utilisé de longue date dans le marketing et sa cousine, la publicité. C’est même une des vertus de cette dernière : la communication répétée autour d’une marque vise à ce que le consommateur s’habitue, se familiarise avec celle-ci, afin qu’il soit enclin à consommer un de ses produits. Mais, au-delà de l’impact sur nos tendances de consommation quotidienne, il convient de s’interroger sur les conséquences de ce biais dans la gestion de nos finances personnelles.
Se familiariser avec ses impacts sur nos décisions d’investissement
Comprendre, et donc être familier avec la solution financière dans laquelle on investit, est évidemment un préalable sage, voire incontournable, avant toute décision. Mais on préférera la notion de familiarité au sens de la compréhension - parfois au prix d’un effort - plutôt que la familiarité résultant d’habitudes de consommation (par exemple, des investissements dans des entreprises ayant des marques fortes ), d’investissement (dans une seule classe d’actifs), de nationalité (biais domestique consistant à investir sur des actions tricolores pour un Français), de culture, etc.
Dans des périodes d’incertitudes, se raccrocher à des actifs dont on est familier parait encore plus naturel. Mais, même dans des temps chahutés, l’inclinaison vers la familiarité alimente trop fréquemment une perception erronée de la réalité, affectant nos prises de décisions.
D’abord, parce que nous sommes enclins à sous-estimer le risque et à surestimer le potentiel de rentabilité d’une classe d’actifs (ou d’un actif en lui-même, comme une action) dont on se considère comme connaisseur. On retrouve ici la « prime de compétence » menaçant une approche rationnelle du couple risque/rendement par une prise de risque démesurée liée à une supposée maîtrise.
Ensuite, parce que cette irrationnalité peut également entraîner une sous-optimisation de l’allocation par une trop grande concentration sur un actif dont on est familier, ou encore sur des actifs qui se ressemblent et qui peuvent donc s’avérer trop corrélés. Limiter ses investissements à des actifs trop similaires empêche une diversification judicieuse, dont l’importance est équivalente à la bonne compréhension de ce dans quoi on investit.
Finalement, il convient de déployer quelques efforts (ou d’être bien conseillé) pour aller au-delà de ce que l’on connait et ainsi étoffer judicieusement sa famille de placements !
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En finance, ce qui nous parle le plus ne génèrera pas forcément les performances dont on voudra parler.
1Preference and Belief: Ambiguity and Competence in Choice under Uncertainty, C. Heath, A. Tversky, 1991
https://courses.washington.edu/pbafhall/514/514%20Readings/ambiguity%20and%20competence.pdf
2Frieder and Subrahmanyam (2005) present evidence that individual investors prefer stocks with high brand recognition.
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