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Réclamations

S’inspirer du vivant pour repenser notre société

Laura Magro

Directrice adjointe en charge du développement scientifique  du Centre d’études et d’expertises en biomimétisme (Ceebios).

Le Ceebios est une SCIC (société coopérative d’intérêt collectif) qui fédère en France un réseau d’acteurs experts et développe  les ressources indispensables  à l’appropriation du biomimétisme par les secteurs académiques, institutionnels et privés.

ceebios.com

Éric Rampelberg

Vice President & General Manager, Europe du Sud, Asie du Sud et du Sud-Est d’Interface, fabricant américain de revêtements  de sol, leader mondial de  la moquette en dalles, dont  le siège se situe à Atlanta.

www.interface.com

Comment définir le biomimétisme et pourquoi se développe-t-il aujourd’hui ?

Laura Magro : Le biomimétisme consiste à s’inspirer du vivant pour innover de façon durable. C’est faire le constat qu’il est possible de relever les défis du développement durable en s’appuyant sur les connaissances et les principes des stratégies du vivant, sélectionnés par 3,8 milliards d’années d’évolution. C’est une approche à la fois philosophique et scientifique qui requiert une forte interdisciplinarité associant biologistes, ingénieurs, architectes, designers…

Elle se structure autour d’une méthodologie de conception qui conduit à considérer tout problème technique sous l’angle du vivant afin de trouver une solution soutenable.

L’humanité s’est toujours inspirée des processus naturels pour créer. L’exemple des machines volantes de Léonard de Vinci est bien connu. Mais c’est autour des années 2000 que des publications scientifiques ont explicité le concept de biomimétisme, pensé par le chercheur américain Otto Schmitt. La biologiste américaine Janine Benyus l’a populariséen montrant que l’on pouvait s’inspirer du vivant comme modèle de durabilité à toutes les échelles, depuis la plus petite, nanométrique, à la plus large, écosystémique. Les biotechnologies ont permis une formidable évolution des connaissances du vivant. Tout l’enjeu du biomimétisme est de les valoriser pour créer des produits et des modèles d’organisations durables.

Pourquoi l’entreprise Interface s’est-elle intéressée au biomimétisme ?

Éric Rampelberg : Le biomimétisme s’inscrit dans la stratégie environnementale globale de l’entreprise, commencée en 1994 par le P.-D.G. fondateur, Ray Anderson, marqué par la lecture du livre The Ecology of Commerce, de Paul Hawken. Cette stratégie, récompensée en 2020 par le Prix de l’action climatique mondiale des Nations unies, s’appuie sur deux orientations majeures.

La première, l’initiative Mission Zero, visait à n’avoir aucun impact négatif sur l’environnement en 2020, et aujourd’hui tous nos produits(1) sont neutres en carbone(2). La deuxième, le Climate Take Back, a pour ambition de faire d’Interface une entreprise régénératrice, capable de créer de la valeur pour l’environnement d’ici à 2040. Dans cette démarche globale, le biomimétisme intervient au niveau de l’écoconception et du design de nos produits et de nos processus de production. Il repose sur la conviction que les bonnes solutions existent et sont dans la nature. Tout comme Paul Hawken, Janine Benyus a rejoint l’Eco Green Team de l’entreprise pour l’accompagner dans cette démarche.

L’ArtScience Museum, à Singapour. Sa forme, inspirée de la fleur de lotus, lui permet de récupérer et de réutiliser les eaux de pluie, tout en optimisant la diffusion de la lumière naturelle.

En quoi cette approche aide-t-elle concrètement à créer des innovations durables ?

L. M. : Les systèmes vivants utilisent un éventail restreint de ressources par ailleurs abondantes (oxygène, carbone, hydrogène…) tout en couvrant un large spectre de propriétés mécaniques et fonctionnelles optimisées par l’évolution.

Leurs stratégies d’adaptation sont performantes et résilientes (recyclage de la matière, consommation frugale d’énergie…). Le vivant propose un véritable cahier des charges écologique dont nous avons beaucoup à apprendre pour concevoir des matériaux et des procédés industriels moins polluants, économes en énergie et en matière, recyclables, en accord avec les impératifs de la transition écologique.

Pour prendre quelques exemples concrets : dans l’énergie, ce sont des hydroliennes imitant les mouvements ondulatoires des organismes marins pour ne pas perturber l’écosystème marin ; dans les matériaux, c’est la biominéralisation observée chez les éponges marines pour définir des procédés de fabrication de verre à température et pression ambiantes ; dans le bâtiment, c’est un algorithme inspiré de la phyllotaxie(3) des plantes pour optimiser l’aménagement d’un quartier en termes d’ensoleillement ; dans le numérique, ce sont des capteurs de vision inspirés de la rétine humaine et alliant puissance de calcul et faible consommation d’énergie.

Quelles sont, chez Interface, les innovations-produits issues du biomimétisme ?

É. R. : Nous avons commencé par le design, en nous inspirant des formes du vivant pour la conception des dalles de moquette. Nos designers sont partis en forêt pour observer les sols. Leur caractère aléatoire a suscité une nouvelle manière de penser les sols modulaires. En 2001, Interface lançait Entropy, une dalle de moquette au motif non directionnel. Ce principe permet un remplacement individuel des dalles et une pose  dans n’importe quel sens, avec un bénéfice en termes de déchets produits : 1,5 % contre 14 % en moyenne pour la pose d’une moquette classique. Aujourd’hui, notre gamme de produits au design aléatoire représente plus de 50 % de nos ventes dans le monde.

Le biomimétisme intervient au niveau de la fabrication des matériaux. L’entreprise souhaitait par exemple remplacer le mode de collage des dalles, générateur de COV (composés organiques volatils). Le nouveau produit TacTiles est inspiré par le système complexe d’adhérence des pattes du gecko et remplace les adhésifs pour relier les dalles. Résultat : les émissions de COV sont quasiment nulles. Ce type d’innovation s’inscrit totalement dans la démarche d’ACV (analyse du cycle de vie), par laquelle nous évaluons l’empreinte de nos produits depuis l’extraction des matières premières jusqu’à leur fin de vie. Cette vision écoresponsable, accompagnée par le biomimétisme, est un vecteur puissant d’innovation qui nous a permis de garder un temps d’avance sur les tendances, sur les réglementations, et de poursuivre notre croissance.

L’humanité s’est toujours inspirée des processus naturels pour créer. L’exemple des machines volantes de Léonard de Vinci est bien connu.
Laura Magro

Comment éviter qu’un train à très grande vitesse, comme ici le Shinkansen japonais, ne produise trop de bruit, dû à la pression de l’air, en passant dans les tunnels ?
Pour répondre à cette question, l’ingénieur Eiji Nakatsu s’est inspiré du bec du martin-pêcheur, un oiseau qui plonge dans l’eau sans provoquer de remous.

Quel est le potentiel économique du biomimétisme et quels sont les pays actifs dans ce domaine ?

L. M. : L’impact économique du biomimétisme s’annonce important car c’est un levier d’innovation durable dans tous les secteurs d’activité, de la construction et de l’habitat au numérique, en passant par l’énergie, la santé, la chimie et les matériaux, l’agriculture, mais aussi l’eau, les déchets, le textile… Le marché mondial du biomimétisme est estimé à 18,5 milliards de dollars d’ici à 2028, selon une étude de l’institut américain BIS Research(4). Son impact économique représenterait 425 milliards de dollars sur le PIB des États-Unis d’ici à 2030 et créerait deux millions d’emplois.

Au niveau d’une région comme la Nouvelle-Aquitaine, plus de 31 000 emplois seraient créés d’ici à dix ans si le biomimétisme s’étendait à l’ensemble de son économie. Les pays asiatiques – en particulier le Japon –, les États-Unis, l’Allemagne, le Royaume-Uni, la Suisse et, plus récemment, la France, s’emparent de cette approche. Les États-Unis et l’Allemagne ont investi significativement.

L’Allemagne est à la pointe en Europe car elle a mis en place une stratégie nationale depuis vingt ans, et structuré un réseau autour de deux grands centres de recherche, Biokon et BK(6).

Comment se situe la France ?

L. M. : Tout d’abord, il faut rappeler l’atout indéniable de la France, qui bénéficie d’une biodiversité exceptionnelle avec les collections du Muséum national d’histoire naturelle, parmi les plus riches au monde, et son patrimoine vivant. Le pays compte 10 % des espèces connues dans le monde, grâce notamment à ses territoires ultramarins. Ce sont là des ressources clés pour la bio-inspiration.

L’écosystème entrepreneurial se développe, avec 200 entreprises s’intéressant au biomimétisme, et des start-up qui ont levé plus de 500 millions d’euros depuis 2015. Les acteurs publics manifestent un intérêt grandissant(7). Le CNRS(8) cite ainsi la bio-inspiration comme un axe majeur de valorisation de la recherche à déployer dans les cinq ans à venir et a lancé un Groupement de recherche BIOMIM.

Notre centre travaille avec l’Ademe(9) pour intégrer le biomimétisme dans ses appels à projets. L’approche se développe chez les grands industriels soucieux d’aligner performance environnementale et économique, comme L’Oréal, par exemple, qui a intégré le biomimétisme dans sa feuille de route stratégique de recherche et développement, l’énergéticien RTE, ou encore le promoteur immobilier Icade. Le secteur de la construction illustre le potentiel de transformation du biomimétisme, qui contribue à l’émergence du bâtiment régénératif producteur d’impacts positifs dans son environnement. C’est une façon radicalement nouvelle de penser la ville de demain.

Le biomimétisme [...] repose sur la conviction que les bonnes solutions sont dans la nature.
Éric Rampelberg

Que signifie le concept d’entreprise régénératrice pour Interface ?

É. R. : Le biomimétisme accompagne la démarche écoresponsable de l’entreprise au-delà de la conception de produits, à une échelle systémique. En partenariat avec Biomimicry 3.8, nous développons la méthodologie Factory as a Forest (FaaF) depuis 2016, qui fait écho à cette question : « Comment faire pour que notre entreprise fonctionne comme une forêt ? » L’idée est d’aller plus loin que le « zéro impact » pour créer des usines générant des impacts positifs dans les écosystèmes où elles sont implantées.

Des indicateurs relatifs au carbone, à l’eau, au sol, à la température, à la biodiversité… ont été définis pour notre usine de LaGrange, en Géorgie, et mis en œuvre pour analyser les écarts entre les performances écologiques et celles du site, et transformer son fonctionnement. Le système de filtration d’eau, par exemple, doit être capable de filtrer autant d’eau que le ferait la nature. L’ambition est aussi d’utiliser le carbone comme matière première dans le processus industriel, à l’image des plantes avec la photosynthèse.

FaaF est un projet à long terme, que nous déploierons progressivement dans nos autres usines dans le monde. La nouvelle révolution industrielle sera une industrie créatrice de valeur environnementale et le biomimétisme en est un outil majeur.

Propos recueillis par Catherine Véglio,  journaliste économique.

  • 1 Moquette en dalles, vinyles LVT, sols en caoutchouc.
  • 2 Interface a réduit de 96 % les émissions de gaz à effet de serre (GES) dans ses usines, de 92 % la quantité de déchets mis en décharge pour l’ensemble de son activité, de 89 % la consommation d’eau dans ses usines, et a atteint 99 % d’énergie renouvelable dans ses usines aux États-Unis et en Europe.
  • 3 On appelle phyllotaxie l’ordre dans lequel sont implantés les feuilles ou les rameaux sur la tige d’une plante, ou, par extension, la disposition des éléments d’un fruit, d’une fleur, d’un bourgeon ou d’un capitule. On appelle aussi phyllotaxie la science qui étudie ces arrangements.
  • 4 Rapport Global Biomimetic Technology Market – Analysis and Forecast, 2018-2028, BIS Research Institute, 2018.
  • 6 BK : Kompetenznetz Biomimetik.
  • 7 « Biomimétisme, quels leviers de développement et quelles perspectives pour la France ? », France Stratégie, 2020.
  • 8 Centre national de la recherche scientifique.
  • 9 Agence de la transition écologique.