
Redressement budgétaire en Italie : des leçons pour la France ?
Fitch vient de relever la note de la dette italienne, quelques jours seulement après avoir abaissé celle de la France. Ce contraste marque un tournant dans la perception des trajectoires budgétaires au sein de la zone euro. Comment l’Italie, longtemps perçue comme l’un des pays les plus fragiles de l’Union, a-t-elle réussi à redresser ses finances publiques? Et surtout, que peut en retenir la France, dont la crédibilité budgétaire est aujourd’hui mise à l’épreuve ?
Une divergence budgétaire dans un contexte économique comparable. Depuis la crise du Covid, la France et l’Italie ont connu des dynamiques économiques relativement similaires. La croissance du PIB, bien que modeste, a été comparable dans les deux pays (entre 5 et 6% de croissance cumulée depuis début 2019). Pourtant, leurs trajectoires budgétaires ont évolué de façon radicalement différente. L’Italie a su réduire son déficit public plus rapidement, et surtout améliorer son solde primaire, c’est-à-dire le solde budgétaire hors charge d’intérêts. Ce dernier est en effet devenu positif en 2025, tandis que celui de la France reste très négatif, à près de -4% du PIB. Cette évolution explique en partie la décision de Fitch. L’agence salue la réduction du déficit italien et la relative stabilité politique, qui renforcent la crédibilité des engagements budgétaires.
Discipline budgétaire et levier européen. L’amélioration du solde primaire italien repose sur un double dynamique : une rigueur budgétaire nationale et un soutien européen stratégique. Sur le plan national, le gouvernement italien a adopté une posture résolument prudente. Les dépenses courantes ont été contenues, notamment dans la fonction publique et les transferts sociaux. Les aides mises en place après le Covid (crédits d’impôt très généreux sur l’immobilier) et la crise énergie ont été retirées plus rapidement qu’ailleurs, permettant une réduction significative des dépenses temporaires dès 2023. Par ailleurs, le gouvernement a augmenté les impôts de façon ciblée et amélioré la lutte contre l’évasion fiscale. Mais le véritable catalyseur du redressement italien est venu de l’Europe. L’Italie est le premier bénéficiaire du programme Next Generation EU, via le Plan national de relance et de résilience (PNRR), avec plus de 190 milliards d’euros alloués. Surtout, les décaissements sont conditionnés à des jalons de réforme, renforçant la crédibilité des engagements italiens.
Une trajectoire saluée, mais des fragilités persistantes. Si les efforts de réforme italiens sont indéniables, il convient de rappeler que le soutien européen dont a bénéficié Rome ne pourra être répliqué tel quel dans le cas français. Par ailleurs, malgré le resserrement des notations, l’Italie conserve une note plus dégradée que celle de la France, reflet de vulnérabilités structurelles persistantes. Le niveau de dette publique reste l’un des plus élevés de la zone euro, autour de 140 % du PIB, contre un peu plus de 110 % pour la France. Cette exposition rend l’Italie particulièrement sensible aux hausses de taux d’intérêt, avec une charge de la dette historiquement plus lourde. La démographie constitue une autre faiblesse : le vieillissement rapide de la population et la faible natalité pèsent sur les perspectives de croissance à moyen terme, et sur la soutenabilité des finances publiques. Enfin, le risque politique demeure : bien que le gouvernement actuel ait maintenu une ligne budgétaire prudente, la mise en œuvre des réformes reste sujette à des tensions internes.
Une leçon de crédibilité budgétaire. L’Italie démontre qu’une trajectoire budgétaire crédible, même dans un contexte de dette élevée, peut être saluée par les marchés et les agences de notation. Ce redressement repose sur une combinaison de discipline nationale, de réformes ciblées et d’un soutien européen exceptionnel. La France, elle, devra regagner cette crédibilité, en montrant qu’elle peut redresser ses comptes sans compromettre la croissance. Le resserrement des notations entre les deux pays reflète deux dynamiques inverses. D’un côté, l’Italie a ramené ses ratios de déficit et de dette proches de leurs niveaux d’avant-Covid, tout en clarifiant sa trajectoire budgétaire. De l’autre, la France s’en éloigne, avec une dégradation continue de ses indicateurs et une instabilité politique qui fragilise sa capacité à engager une consolidation crédible. Longtemps, les agences de notation ont accordé à la France une forme de bienveillance, fondée sur sa stabilité institutionnelle et sa capacité à mobiliser l’impôt. Ces atouts sont aujourd’hui moins évidents. À l’inverse, l’Italie, pénalisée pendant des années par son instabilité politique, bénéficie désormais d’un regard plus nuancé, porté par des résultats tangibles. Certes, l’Italie reste confrontée à des fragilités structurelles — niveau de dette, démographie, charge d’intérêts — qui appellent à la prudence. Mais elle offre à la France une leçon précieuse : la crédibilité budgétaire ne repose pas uniquement sur les fondamentaux, mais sur la capacité à tracer une trajectoire cohérente, soutenue par des réformes, et validée par les institutions européennes.
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