
Epargne élevée : et si l’explication était plus à chercher du côté des taux d’intérêt que de l’incertitude ?
Les Français épargnent plus qu’avant la crise sanitaire — et cette tendance s’intensifie. Ce comportement tranche avec l’évolution du pouvoir d’achat et les dynamiques observées ailleurs en zone euro. Si l’incertitude économique et politique est souvent invoquée, les taux d’intérêt élevés jouent aussi un rôle central dans cette épargne persistante.
Une trajectoire post-Covid atypique… et singulièrement française. Depuis 2020, le taux d’épargne des ménages français a connu des variations inédites. Après une phase d’épargne contrainte liée au Covid, la consommation a partiellement rebondi, mais le taux d’épargne est resté durablement plus élevé. En 2025, la tendance se renforce : au premier trimestre, le taux d’épargne atteint 18,6 % du revenu disponible brut, contre environ 14 % avant la pandémie. Si l’Italie et l’Espagne ont connu une normalisation de leur taux d’épargne post-Covid — reflétant des contraintes de pouvoir d’achat qui poussent les ménages à puiser dans leur bas de laine — la France et l’Allemagne se distinguent par des niveaux d’épargne durablement élevés. Toutefois, cette similitude s’arrête en 2024, avec le taux d’épargne allemand qui diminue, tandis que celui des ménages français repart à la hausse. Cette divergence récente souligne une dynamique propre à la France.
L’explication classique : les incertitudes économiques et politiques. La situation économique des ménages français apparaît relativement plus favorable qu’ailleurs en zone euro, avec une inflation restée plus faible.
Pour autant, les enquêtes de confiance montrent que les Français sont davantage pessimistes. L’INSEE souligne d’ailleurs dans sa Note de Conjoncture de septembre cet « écart entre les perceptions individuelles et les agrégats effectivement mesurés. ». L’incertitude — qu’elle soit politique, économique ou géopolitique — apparaît une bonne explication : les ménages sont inquiets pour l’avenir et diffèrent leurs dépenses. Mais cette lecture ne doit pas occulter un autre moteur puissant de l’épargne : les taux d’intérêt élevés.
L’explication sous-estimée : des taux élevés qui poussent l’épargne à la hausse. Les taux d’intérêt restent élevés en France et contribuent à une épargne élevée via plusieurs canaux :
- La nature de revenus : une part significative des gains de pouvoir d’achat provient des revenus du patrimoine, stimulés par les taux. Ces revenus sont souvent automatiquement réinvestis, notamment par les ménages les plus aisés, à forte propension à épargner.
- L’assèchement du crédit : la hausse des taux a freiné l’accès au crédit, poussant les ménages à conserver une épargne de précaution plus élevée, faute de financement externe.
- Les arbitrages : des rendements plus attractifs incitent à arbitrer en faveur de l’épargne plutôt que de la consommation.
En conclusion, l’épargne élevée des Français ne relève pas uniquement d’une réaction face aux incertitudes, mais aussi d’un comportement rationnel. Et le contexte de taux longs français durablement élevés maintiendrait cette tendance, continuant de peser sur la consommation et donc les perspectives de croissance
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