Christine d'Ornano - Innover et s’engager à transmettre

Pour commencer cette interview, Christine, qu’est-ce qui caractérise votre parcours ?
Le goût de l’ailleurs, si vous me permettez ce mot. J’ai très tôt découvert l’expérience de l’étranger avec un parcours académique à Princeton, aux États-Unis, et une première expérience chez Saks à New York, le célèbre détaillant américain, pendant 2 ans et demi, ce qui m’a permis d’acquérir une expérience client très ancrée. Mon père m’a ensuite proposé de rejoindre Sisley et de créer notre filiale au Mexique : un travail de pionnière où j’ai construit l’équipe qui est en partie toujours en place d’ailleurs. Par la suite, j’ai également créé notre filiale en Grande-Bretagne, où notre marque était présente exlusivement chez Harrods à Londres. J’ai été en charge de l’Angleterre pendant 12 ans, une expérience qui m’a permis de faire beaucoup de métiers et de connaître des univers et des marchés très différents. Côtoyer des consommatrices de continents différents m’a donné une ouverture d’esprit que je cultive encore aujourd’hui.
J’ai rejoint la France après ces années à l’international. Je dirige aujourd’hui Sisley avec mon frère et je suis plus particulièrement en charge des sujets de communication et de marketing. 
Nous travaillons toujours avec ma mère au développement produit. Vous l’avez compris, nous sommes une entreprise familiale fondée par mes parents en 1976, avec une culture de la transmission très forte. 
Ce qui caractérise mon parcours, ce sont sans doute ces expériences dans des cultures et des pays différents au service d’une entreprise familiale qui a considérablement grandi et changé depuis 50 ans.

Plus personnellement, qu’est-ce que vous diriez de vous ?
Je crois que je suis quelqu’un de calme et déterminée, avec le goût de l’effort et de l’énergie ! J’ai une hygiène de vie à laquelle je me tiens, qui passe par le sport, bien sûr, et la natation en particulier. C’est un besoin physique et mental dont je ne peux pas me passer. Mes trois filles ont adopté cette hygiène de vie et le goût du sport également. Cela nous permet de partager beaucoup de moments ensemble et d’entretenir une vraie complicité entre nous.
Au-delà de mon rôle de cheffe d’entreprise, je suis très attachée à mon rôle de mère. Après avoir élevé mes filles, je privilégie désormais les moments de partage avec elles.
L’art a aussi une grande importance dans ma vie. L’art contemporain, le design, la littérature, etc. J’ai la chance de présider le gala de l’Opéra-Comique. Mon goût pour l’art me permet enfin de cultiver le transgénérationnel et de partager avec ma mère, mes filles et ma nièce nos goûts, pour mieux les mêler, les comprendre et les apprécier.

Quels sont les plus gros challenges de votre marque et de votre industrie ?
Évoluer, bien sûr, innover pour mieux répondre aux besoins de nos clients, tout en préservant les valeurs de notre marque et l’authenticité de nos recherches, de nos produits et de notre démarche cosmétologique.
Nos laboratoires de recherche ont rapidement observé les problématiques similaires de peau et de cuir chevelu. En redoublant notre axe de développement sur ces sujets, nous avons pu lancer notre marque de soins capillaires il y a cinq ans qui connaît un bel essor. Je pense également à nos travaux d’ampleurs depuis dix ans sur les neurosciences. Nos émotions ont un impact sur la peau ; c’est un défi que nous allons relever pour adapter nos produits.
À l’instar de ce qu’a fait mon père à l’époque, la cosmétique Sisley va continuer à faire des pas de géant dans le « care et le soin », ainsi que nos découvertes sur la peau et les dysfonctionnements liés à la vieillesse. De très grands défis en perspective, que ma mère, mon frère, moi-même, la prochaine génération et nos 4 500 collaborateurs devront affronter avec détermination, goût du succès et un très grand sens de notre marque.
S’adapter aux nouvelles technologies, aux nouveaux usages et besoins du quotidien, ainsi qu’aux progrès scientifiques, sans perdre notre âme, notre caractère, notre indépendance et en restant unis. C’est, en résumé, ce qui nous définira dans les prochaines années.

Depuis 2 ans, de quoi êtes-vous le plus fière sur le plan professionnel ?
Je parlerai de notre nouvelle marque neurocosmetique, Neuraé, et de marque capillaire « Hair Rituel by Sisley », qui connaît un succès croissant. Pour Neuraé, nous versons 1 % du fruit de nos ventes à des organismes axés sur la santé mentale, un des grands axes de la Fondation Sisley. C’est un sujet fondamental, dont on ne parle pas assez, et que nous souhaitons, en aidant la recherche, sortir de l’ombre en le rendant plus accessible aux familles touchées par ce drame et souvent démunies.
Je n’ai pas été élevée dans la fierté ni l’envie de me « reposer sur mes lauriers », ce qui annihile souvent le goût de se dépasser. Cependant, si vous me posez la question, je suis fière de Sisley et de notre capacité à préserver son unicité et son identité. Je suis fière de travailler en famille, avec ma mère, mon frère et ma nièce. Fière de continuer à nous entendre, à nous respecter, à nous écouter et à nous entraider. Enfin, je suis fière enfin d’être la mère de mes trois filles, et je pense qu’elles sont aussi fières d’avoir une mère active et engagée.

Quelle idée avez-vous de la beauté ?
C’est une réponse très subjective. Pour moi, le beau, c’est ce qui dure dans le temps. La beauté, c’est prendre soin de soi. J’aime la beauté brute, celle qui n’est pas surfaite ou trop sophistiquée.

Pour finir, Christine, quels conseils donneriez-vous à un(e) jeune homme/femme qui réfléchit à sa carrière ?
Ne pas se fixer de limites, car c’est un âge où les champs des possibles sont infinis. C’est une chance qu’il faut chérir. Les voyages et les cultures apportent une ouverture d’esprit. Apporter sa pierre à l’édifice, dans le sens le plus littéral du terme, et de privilégier le travail d’équipe pour mieux se développer, s’inspirer des autres et s’investir avec sa vision et ses sensibilités.