Christine Afflelou : L’autre fait ma force

Pour commencer cette interview, Christine, qu’est-ce qui caractérise votre parcours ?
Je me considère comme une personne assez atypique. Mon parcours a débuté dans une petite ville de Savoie, où j'ai grandi, mais j'ai ressenti très tôt le besoin de m'évader et de découvrir le monde qui m'entoure. C'est ainsi que j'ai quitté ma région natale. Avec le goût de l’aventure en bandoulière et me fiant à mon instinct, j’ai vécu à Paris, à Dallas au Texas, à San Francisco puis à Londres, avant de revenir m’installer à Paris. Chacune de ces destinations a contribué à façonner ma vision du monde et m’a offert des expériences uniques, me poussant à créer de nouveaux repères. Je crois que j’ai une très grande capacité d’adaptation. L’idée de tracer mon chemin par mes propres moyens et d’aller de l’avant est constitutive de ma personnalité. Repartir de zéro pour tout reconstruire ne me fait pas peur. Je suis peut-être assez téméraire. J’ai débuté ma vie professionnelle comme salariée dans l’univers du luxe pendant plus de dix ans. Puis, j’ai fondé, d’abord à Paris, une société d’événementiel, puis à Londres, un « private member club » dédié à l’art et la culture. Je suis aujourd'hui à la tête d'Opinion Square, une initiative inspirée du Royaume-Uni. Ce concept propose 60 minutes d'écoute, de compréhension et d'interaction pour aider chacun à forger son propre avis. Cela fait maintenant deux ans que ces débats offrent, je l'espère, un espace propice à la réflexion sur des sujets contemporains, tout en permettant l'intervention d'experts. Malgré les différences culturelles et générationnelles, je suis enchantée de voir des participants de divers âges échanger et progresser ensemble lors de ces discussions. Je porte en moi cette magnifique citation de Montaigne qui est un peu mon mantra : « Quand on me contrarie, on éveille mon attention, non pas ma colère. Je m’avance vers celui qui me contredit, qui m’instruit. »

Quelles ont été vos sources d’inspiration, Christine ?
Montaigne, on l’a compris…
Plus sérieusement, je dirais que ma principale source d’inspiration est le besoin de vibrer. Je déteste l’ennui, la routine et tout ce qui va avec. J’aime le mouvement chez les gens, dans la vie, dans l’art, dans la conversation et les échanges. L’autre, dans sa globalité, sa complexité et son unicité, m’inspire pour me nourrir, me challenger, m’instruire et me réveiller. 

Dans votre vie, Christine, de quoi êtes-vous le plus fière ?
De mes deux filles, sans aucune hésitation. Avoir été utile, être utile aujourd’hui et demain aux autres, rapprocher des intérêts, rapprocher des générations, voilà des choses qui me rendent fière. Mais pour être honnête, la reconnaissance n’est pas un moteur dans ma vie. Je ne fonctionne pas ainsi. Tout comme je n’ai rien à regretter. J’agis avec enthousiasme, honnêteté, sans peur, en me disant que cela vaut toujours la peine d’essayer. Le conflit naît systématiquement d’une méconnaissance ou de l’incompréhension de l’autre. Quand, avec Opinion Square, j’essaie de rapprocher des opinions totalement contradictoires, je me dis que j’apporte ma pierre au besoin du « Construire Ensemble ! ». J’aime l’idée de s’apporter les uns les autres, de progresser ensemble et ainsi de créer un cercle vertueux qui apporte à tous.

Quel est le plus gros problème des femmes de votre génération ?
Je vois où vous voulez en venir ! 
Mon statut de femme n’est pas quelque chose qui me préoccupe ! Je n’ai pas eu à souffrir d’inégalités dans ma carrière et dans ma vie de femme. Peut-être parce que j’ai toujours essayé de prendre ma vie en main en restant maîtresse de mon destin. 
Je ne suis pas obnubilée par les questions de genre parce qu’avant des hommes ou des femmes, je vois plus des individus, des vies, des destins, des chemins. 
Je suis féministe, car je défends les spécificités des femmes et leur complémentarité avec les hommes. Je ne suis pas du tout dans le combat du militantisme.

Pour finir, Christine, quels conseils donneriez-vous à un(e) jeune femme/homme qui réfléchit à sa carrière ?
Je suis une militante du vivre ensemble, du respect, de la compréhension et de l’acceptation de l’autre. Formons nos jeunes à cette hygiène de vie fondamentale, à cette manière de penser, à cette manière de vivre. 
Mais plus concrètement, mon conseil serait de bien veiller à délivrer le meilleur de ses compétences avant de penser à la rémunération. Un travail de qualité sera reconnu et finira toujours par porter ses fruits.